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Les soins palliatifs

Gérard Calmelet

LA DIGNITÉ DE L’HOMME ET LES SOINS PALLIATIFS


Conférence de Gérard Calmelet - 31 mars 2009


Le mardi 31 mars 2009 à l'Institut Saint-Denys de Paris, en présence de Monseigneur Germain et du doyen Hubert Ordronneau, Gérard Calmelet est venu témoigner de son engagement dans les soins palliatifs comme bénévole et nous faire part de son expérience et de la réflexion philosophique qu'elle inspire, en amont et en aval d’une telle démarche.


Ce sujet essentiel habite toujours les consciences. Aussi, nous a-t-il paru opportun de republier l’intégralité de cette causerie (d’après le texte que Gérard Calmelet nous a confié) qui a suscité dans l'assemblée de nombreuses questions, et des débats relatifs à la fin de vie "dans la dignité". Ce mot-clé, porteur de tant d'ambiguïtés, divise les partisans de l'euthanasie autant que ses opposants ; ceux-ci admettent en revanche que l'on ne peut s'acharner dans la thérapeutique car elle fait oublier parfois que la médecine est appelée à soigner et guérir un corps qui appartient à un être vivant et digne, et non seulement un organe qui devient parfois prétexte à toutes sortes de tentatives, insupportables pour le malade.


Nous tenons à renouveler ici l'expression de notre gratitude à Gérard Calmelet.


I - Définition


Préambule


Deux mots sur la légitimité de mon intervention : je ne suis ni médecin, ni faisant partie du corps médical. J'ai simplement été bénévole de mars 1993 à septembre 1998 (exactement 5 ans et 6 mois !) dans une unité de soins palliatifs. Quand je me suis rendu compte de l'utilité des soins palliatifs, je me suis beaucoup investi pour les faire connaître (conférences auprès de médecins, infirmières et aides-soignantes) et j'ai tenté, avec un ami bénévole, de créer une Unité de soins palliatifs dans le Val d'Oise, département d’Ile de France, où il y avait le moins de lits palliatifs. Projet qui sur le point d'aboutir n'a pu voir le jour pour des raisons de querelles politiques.


A l'époque où j'étais bénévole, les soins palliatifs ne s'adressaient qu'aux malades en phase terminale. Depuis, cette définition a été modifiée, par l'Organisation Mondiale de la Santé qui l'a étendue à certains soins curatifs, notamment en cancérologie où l'utilisation de traitements palliatifs est fréquent (par exemple des traitements qui améliorent l'état général ou qui diminuent les effets secondaire d'une chimiothérapie) participant ainsi à ce que les anglo-saxons nomment le « best supportive care ».


D'autre part, un nouveau mot est apparu depuis, « la proximologie » - propriété du laboratoire pharmaceutique NOVARTIS, sous l'égide de l'Éspace Éthique de l'AP-HP et de son président Emmanuel HIRSCH. Ce mot recouvre en fait toute la philosophie des soins palliatifs étendue à l'accompagnement d'un malade ordinaire dans son contexte familial.


* Définition (Lois 1999 et de 2005)


Les soins palliatifs et l’accompagnement concernent les personnes de tous âges atteintes d’une maladie grave, évolutive mettant en jeu le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Ces personnes peuvent souffrir d’un cancer, d’une maladie neurologique dégénérative, du sida ou de tout autre état pathologique lié à une insuffisance fonctionnelle décompensée (cardiaque, respiratoire, rénale) ou à une association de plusieurs maladies. Les soins prodigués visent à améliorer le confort et la qualité de vie et à soulager les symptômes : ce sont tous les traitements et soins d’accompagnement physiques, psychologiques, spirituels et sociaux envers des personnes et leur entourage.


Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire. (On trouve des médecins, des infirmiers, des aides soignants, des kinésithérapeutes, des assistantes sociales, des psychologues, des auxiliaires de vie, des bénévoles, des ergothérapeutes, des orthophonistes...) en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.


Il s'agit donc d'une approche holistique de la personne.


Vous avez sans doute remarqué que ce sont des soins donnés en institutions aussi bien qu'à domicile. De plus en plus, en effet, on privilégie le HAD, l'hospitalisation à domicile, qui contribue à la dignité du malade, que nous verrons par la suite, en lui permettant de rester dans son environnement et de mourir chez lui avec ses proches.


Nous retiendrons dans cette définition les quelques mots suivants qui reviendront dans la suite de cet exposé :

- interdisciplinaire
- douleur : ici je voudrais faire deux petites parenthèses. La première est une remarque très personnelle : je refuse catégoriquement le principe judéo-chrétien qui affirme la rédemption par la douleur.

La deuxième est que le traitement de la douleur dans les études médicales est très récent. Tous les médecins, à part les anesthésistes, qui ont fait leurs études avant 1995, n'ont eu que quelques heures de cours sur la douleur pendant toutes leurs études.


- souffrance psychique (quand on a éradiqué la douleur physique, reste la souffrance psychique, souvent encore plus intolérable pour le malade conscient en fin de vie) ;
- dignité de la personne malade ;
- entourage.


Avant ces lois, l'Union Nationale des Associations pour le développement des Soins Palliatifs - UNASP - et l'Association Française de Soins Palliatifs - ASP Fondatrice - ont élaboré une Charte des soins palliatifs que je me propose de vous lire - ce n'est pas très long -et qui résume bien la philosophie des soins palliatifs en permettant de l'éclairer.


CHARTE DES SOINS PALLIATIFS


Union Nationale des Associations pour le développement des Soins Palliatifs - UNASP -Association Française de Soins Palliatifs - ASP Fondatrice -44, rue Blanche 75009 Paris
Tél. : 01 45 26 58 58.

1. Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne en phase évoluée ou terminale d'une maladie potentiellement mortelle ; prendre en compte et viser à soulager les douleurs physiques ainsi que la souffrance psychologique, sociale et spirituelle devient alors primordial.


2. En plus du soulagement de la douleur physique qui est un préalable, il faut prévoir, un ensemble d'attitudes et de comportements adaptés à l'état du malade souvent angoissé moralement et physiquement. Cela constitue l'accompagnement.


3. L'emploi nécessaire des moyens de lutte contre la douleur physique se fera avec le souci de ne pas altérer, autant que faire se pourra, la conscience et le jugement du malade.


4. Sont au même titre considérés comme contraires à cet esprit deux attitudes : l'acharnement thérapeutique et l'euthanasie. L'acharnement thérapeutique peut être défini comme l'attitude qui consiste à poursuivre une thérapeutique lourde à visée curative, qui n'aurait comme objet que de prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu'il n'existe aucun espoir raisonnable d'obtenir une amélioration de l'état de malade. Par euthanasie, on entendra toute action ayant pour dessein de mettre fin à la vie du malade ou de le priver, sans raison majeure, jusqu'à son décès, de sa conscience et de sa lucidité.


5. Une attitude générale de franchise vis-à-vis du malade, quant à la nature ou au pronostic de sa maladie, est généralement requise pour assurer l'accompagnement de la meilleure qualité possible. Toutefois, les circonstances psychologiques sont trop variées pour que cette recommandation puisse être formulée autrement qu'en termes généraux. Il s'agit d'un idéal auquel il convient de tendre.


6. Pour soutenir la personne en phase terminale, s'impose l'intervention d'une équipe interdisciplinaire comportant, autour des médecins, des membres des différentes professions paramédicales concernées (infirmières, aides-soignantes, psychologues, kinésithérapeutes, diététiciens, etc.). Y sont associés les représentants des différentes religions dont se réclameraient les malades hospitalisés. La prise en compte des besoins spirituels, particulièrement en cette phase de l'existence, parait en effet essentielle, dans le respect le plus absolu des options philosophiques ou religieuses de chacun.


7. Les bénévoles qui acceptent d'apporter un soulagement au malade, et de participer à son ultime accompagnement, sont considérés comme des collaborateurs précieux de l'équipe de soins. Ils veilleront à ce que leur action n'interfère, en aucun cas, avec la pratique des soins médicaux et paramédicaux. Ils ne devront s'adonner à aucune pratique, technique ou méthode, présentée comme étant ou pouvant être une ressource thérapeutique substitutive, adjuvante ou complémentaire de celle prescrite par le médecin. Leur rôle est de conforter par leur présence attentive, l'environnement social et affectif du malade et de son entourage. Les bénévoles auront été préparés spécialement à cette présence discrète et ils seront soutenus psychologiquement tout au long de leur action.


8. Un effort tout particulier pour accueillir et soutenir les familles est aussi considéré comme une des caractéristiques essentielles des soins palliatifs et de l'accompagnement en soins palliatifs. Il s'agit à la fois de permettre au malade de réaliser ses vœux ultimes et, s'il le désire, de renforcer et éventuellement de renouer ses liens affectifs lors de ses derniers moments. Il convient de préparer au deuil la famille et les proches et de les aider moralement après le décès.


9. Les équipes de soins palliatifs et d'accompagnement, quel que soit leur lieu d'exercice (unité spécialisée, fixe ou mobile, domicile, service hospitalier) auront à cœur de contribuer à la formation du personnel médical, paramédical et des bénévoles ainsi qu'à la propagation des principes énoncés dans la présente charte. Les adhérents à la charte susciteront la création de nouveaux foyers et l'adhésion de nouveaux participants à leur action.

 

Je pense que pour ceux qui ne connaissaient pas les soins palliatifs, les choses sont plus claires maintenant et le titre de l'affiche devient limpide :


« Tout ce qui reste à faire quand il n'y a plus rien à faire »


Même si cela ressemble à une boutade, cette phrase permet de saisir toute l'étendue de ce que recouvrent ces deux mots : Soins Palliatif


Vous venez donc d'entendre les principes. Qu'en est-il de la réalité ? Comme je l'ai déjà dit, je vais vous parler de ma propre réalité, celle des bénévoles.


II - Les Bénévoles : représentants de la société civile.


En effet, mon expérience des Soins palliatifs s'est faite en tant que bénévole et cet exposé est rédigé à partir de cette expérience et que donc, tout ce que je vais en dire, sauf évidemment les textes officiels que je lis stricto sensu, n'engage que moi.


Je reprends encore le titre de l'affiche : représentants de la société civile.


Qui sont-ils ? Monsieur ou Madame tout le monde, d'origines socioprofessionnelles diverses, souvent des retraités plus disponibles, des étudiants, des gens comme vous et moi,... j'ai même vu un sous-préfet ! Dont les motivations sont également diverses : le besoin de faire quelque chose pour les autres, une expérience douloureuse d'un membre de la famille qui est parti dans de mauvaises conditions... Ils sont, par définition, volontaires (d'ailleurs le mot anglais ou allemand pour bénévole est « volontaire »).


Les bénévoles sont donc bien des représentants de la société civile et, de plus, comme on a pu le voir dans la Charte, les bénévoles, je cite, « ne devront s'adonner à aucune pratique, technique ou méthode, présentée comme étant ou pouvant être une ressource thérapeutique substitutive, adjuvante ou complémentaire de celle prescrite par le médecin ». J'insiste sur cette phrase car il a souvent été reproché aux bénévoles de prendre le travail des soignants. Or cela n'a jamais été un risque.


En effet, tout en faisant partie intégrante de l'unité de soins palliatifs, le bénévole n'a le droit de pratiquer aucun acte médical de quelque nature que ce soit, sauf à la demande et en présence d'un membre de l'équipe médicale.


Après une sélection drastique qui dure plusieurs mois, après également une formation faite par des professionnels, le bénévole est placé à l'essai pendant deux mois soit dans une unité hospitalière, soit à domicile.


Encore une parenthèse : il manque, encore aujourd’hui, des bénévoles (à bon entendeur, salut !) sachant qu'un élément rédhibitoire empêche le candidat bénévole d'être accepté est qu'il ne doit pas avoir de deuil récent pour garder un équilibre psychique qui sera soumis à dure épreuve.


Mais s'il n'a pas de statut médical, que fait-il ?

Il accompagne.

Ce qui fonde le bénévolat est avant tout une dimension relationnelle. Le bénévole est là, présent, disponible, pour écouter, parfois pour briser la solitude de celui ou celle qui fait face à la maladie et à la mort. Il ne remplace pas les soignants ni les proches de la personne malade. L'accompagnant est un témoin, un être humain qui exprime simplement sa solidarité envers un autre être humain, dans le respect des différences et du désir de celui qu’il accompagne. Grâce à une formation continue obligatoire sur des thèmes comme l'écoute, le toucher, le deuil, les besoins spirituels des malades et grâce également aux groupes de parole, le travail d’écoute est au centre de l’engagement des bénévoles d’accompagnement.


Mais il n'accompagne pas seulement les malades. Les proches, familles ou amis sont omni présents dans la vie d'une Unité de Soins Palliatifs. L'accompagnement était peut-être encore plus difficile avec ces personnes qui déchargeaient sur nous toutes leurs angoisses, leurs peurs, leurs faux espoirs...


Curieusement il accompagne aussi les membres de l'équipe médicale : médecins, infirmières et aides soignantes. Combien de fois ai-je tenu la main d'une infirmière qui « craquait » après le décès d'un malade ? Combien de fois ai-je entendu les médecins exprimer leurs doutes ?


Il ne faut pas oublier que le bénévole n'est présent dans l'unité que quelques heures par semaine tandis que le reste de l'équipe médicale fait un temps complet !


Voilà pour les bénévoles...


Je vais maintenant aborder le thème de :


III - La dignité du malade : personne vivante jusqu'à la fin.


Le mot dignité provient, en deçà du latin - dignitas - d'une racine indo-européenne qui signifie recevoir, accepter : dek. La dignité est donc l'acceptabilité de soi devant les autres et devant soi-même.


Vous allez voir que l'institution des soins palliatifs a été créée pour faire en sorte que le malade, même mourant, est un membre à part entière de notre humanité et qu'il a le droit de vivre « vivant » jusqu'au bout en restant digne vis à vis des siens, de la société et de lui-même. La dignité de la famille, des proches et des soignants accompagnants est évidemment liée à celle du malade.


Lors de nos formations permanentes, nous avons eu l'intervention d'un médecin spécialisé dans le deuil pathologique. Il commençait ses conférences par un trait d'humour : « Tous dans cette salle, un jour, vous allez mourir ! Même moi... peut-être ! »


Sur le plan sociologique, le fait d'occulter la mort (disparition des rituels de deuil, cimetière en dehors des villes, le médecin à qui on a appris à guérir et qui se trouve démuni quand il ne peut plus rien faire, par exemple) a entraîné dans notre société un phénomène extraordinaire : la mort, parler de la mort et même parler de soins palliatifs est tabou. Devant le mystère de la mort, l'humanité occidentale n'a jamais été aussi désorientée par ce mot qui fait pourtant partie de sa réalité.


L'institution des Soins palliatifs (qui nous vient des pays anglo-saxons !) est un progrès considérable. Elle remet les choses à leur place, si je puis dire.


En effet, même si j'ai vu plusieurs personnes y rester un an, le fait même qu'une personne malade entre dans une unité de soins palliatifs, signifie qu'elle a un pronostic de vie moyen de trois semaines.


Ce que je veux dire, c'est que l'unité de soins palliatifs est un lieu où on affirme la vie, un lieu où la mort est acceptée comme inéluctable et comme un processus naturel. Quand je dis un lieu de vie, ce qui peut paraître paradoxal, c'est que toutes les personnes présentes dans l'unité sont vivantes. Alors peut-être, en réaction contre cette mort imminente toujours présente, c'est un lieu où tout est prétexte à faire la fête et où les éclats de rire sont fréquents et tout cela dans une parfaite dignité.


Inéluctable certes, mais avant ce terme, la personne est considérée comme une personne et une personne vivante jusqu'au bout. C'est là où le mot dignité prend toute sa dimension.

Tout, absolument tout est fait pour que le malade garde sa dignité d'Homme jusqu'au bout.


Les soins palliatifs représentent des concepts, des techniques et des pratiques de prises en charge spécialisée, comme nous l'avons vu, du patient et de ses proches. Ces concepts peuvent être résumés en cinq axes qui illustrent la façon de conserver cette dignité :


1- Prendre en charge le malade comme une personne humaine :


Depuis des années, notre médecine a fait des progrès techniques importants. Mais il a été constaté des dérives où les préoccupations des soignants se focalisaient sur un organe malade au détriment d'une prise en compte globale de la personne souffrante. Les soins palliatifs proposent, au regard d'une société qui change, de réinvestir « l'art médical » où la personne est appréhendée comme sujet d'une histoire de vie singulière prenant sens dans un contexte familial, affectif, social et culturel qui lui est propre. Autrement dit, l'homme souffrant est un sujet et non pas un objet.


2- Prise en charge globale du malade et de l’équipe pluridisciplinaire :


De ce concept découle la nécessaire prise en compte des difficultés psychologiques, sociales, familiales, morales et spirituelles ainsi que la quête de sens du patient : « quel est le sens de ma vie ? Pourquoi suis-je malade ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi le cancer ? Pourquoi vais-je mourir ? Y a-t-il quelque chose après la vie ?… »


D'où l'importance, pour rendre réelle une prise en charge globale, de constituer des équipes multicompétentes, pluridisciplinaires. Sans cela, la prise en charge globale reste un vœu pieux et un fantasme de soignants omnipotents.


3 - Prise en compte et prise en charge de la famille, des proches :


La prise en compte et le soutien de la famille et des proches est un objectif de soins, au même titre que la prise en charge globale du patient.


Ainsi, les conditions d'hébergement des familles dans les services, les aides logistiques (repas, machine à laver le linge, salle de repos, réfrigérateur, plaques chauffantes, micro-ondes), l'espace relationnel proposé par les soignants, les psychologues, les bénévoles et les associations, les offres d’aide sociale, financière, et spirituelle, définissent les institutions engagées dans ce concept palliatif et celles qui ne le sont pas.


4 - Formation et soutien des soignants :


La prise en compte et la gestion de la souffrance des soignants fait partie intégrante des objectifs du concept de soins palliatifs.


Cette prise en compte est essentielle pour diminuer la crise du patient et de la famille dans les situations difficiles (les équipes en difficulté aggravent les crises des patients et des familles surtout en phase terminale).


Elle permet d'assurer un niveau de qualité de soins minimum (la diminution de qualité des soins est constante dans les équipes épuisées) et d’augmenter la durée de turn-over des équipes, d’aider les soignants à mettre à distance certaines violences (et les relations deviennent des relations gagnant-gagnant : bénéfice personnel, bénéfice institutionnel, bénéfice patient et famille).


La formation continue (formation technique médicale, relationnelle, aux outils de gestion du stress, etc.), les groupes de parole, constituent quelques-uns des outils concrets de cette nécessaire prise en compte de la souffrance des soignants.


5 - Les soins palliatifs proposent une alternative à l’euthanasie et à l’acharnement thérapeutique :


Cette alternative se construit autour de deux réalités concrètes :
- en considérant la mort comme normale, les soins palliatifs répondent historiquement aux difficultés de prise en charge des patients incurables, pouvant entraîner une surenchère de traitements curatifs alors devenus inutiles (acharnement thérapeutique) qui conduisent bien souvent à majorer la souffrance du patient, de sa famille et des soignants, facteurs aggravants du risque de passage à l'acte d'euthanasie.
- en formalisant une méthodologie de processus décisionnel intégrant :

* l'analyse diagnostique pluridisciplinaire des processus pathologiques en cours, et des symptômes gênants pour le patient, à commencer par la douleur.
* l'analyse pluridisciplinaire des possibilités thérapeutiques et de leurs indications au regard de l'évaluation du rapport risque/bénéfice, des besoins, des désirs, des priorités du patient et de ses proches.
Nous voyons immédiatement qu'avec ces cinq points, tout est mis en place pour contribuer à la dignité du malade et de sa famille.


Abordons maintenant le thème du deuil...


IV - Le deuil : le malade doit faire le deuil de sa vie.


Le deuil est un thème récurrent dans une Unité de Soins Palliatifs. C'est bien compréhensible. Ce thème exigerait une conférence à lui seul. Je ne parlerai donc que de celui du malade qui est obligé de faire le deuil de sa vie.


Nous connaissons tous les différentes étapes du deuil :
Le choc et le déni : sans commentaire ;
L'expression des émotions et la révolte : pourquoi moi ?
La nécessité de finir les choses non finies : problème récurrent chez les malades en fin de vie ;
Le besoin de trouver un sens à la perte ;
Le ou les pardons ;
L'héritage : qu'ai- je transmis aux miens ?
La déclaration de fin de deuil et acceptation.


Toutes ces étapes nous pouvons les retrouver et analyser quelle que soit la perte (un objet auquel on tient, un être cher, ou enfin, sa propre vie). Ces étapes ne se suivent pas forcément dans cet ordre et peuvent se croiser sauf la première et la dernière. Elles n'apparaissent pas obligatoirement toutes.


Une des tâches les plus difficiles de l'équipe soignante et donc des bénévoles était de repérer l'étape dans laquelle se trouve le malade et d'agir ou ne pas agir en conséquence


Évidemment, rares sont les malades qui expriment clairement leurs états d'âme. Les non-dits sont fréquents, souvent pour protéger sa famille :


« Surtout ne dites pas à ma femme (ou à mon mari) qu'il ou elle va mourir ! »


Simultanément nous entendons : « Surtout ne dites pas à mon mari (ou à ma femme) que je vais mourir ».


Dans ce cas de figure le travail de deuil et, par conséquent son expression, qui doit amener la libération, l'acceptation est très difficile.


Nous avions alors en charge de faire dialoguer les acteurs de ce drame. J'ai eu parfois des réactions violentes : « Vous allez l'achever ! »


Parfois, au contraire, nous recevions une écoute attentive et efficace qui permettait au malade et aux membres de sa famille d'avoir un dernier dialogue où, souvent, les non-dits s'exprimaient, les réconciliations se réalisaient, laissant le malade libre de s'en aller dans une sérénité palpable pour tout le monde.


Les proches, alors, étaient à même de commencer un travail de deuil plus tranquille.


Le dernier point de cet exposé qui permettra de situer l'ampleur du problème :


V- Quelques chiffres : des progrès à faire en France.

La première unité de soins palliatifs a été créée en France par le Docteur Abiven à l'Hôpital de la Cité Universitaire (devenu depuis l'hôpital mutualiste Montsouris) au milieu des années 80.


Les progrès sont importants mais encore insuffisants. En effet :


Chiffres de 2005 :


Nombre d'USP : 80 Nombre de lits : 825
Nombre de lits identifiés de SP : 1908
Nombre de lits en HAD : 8108


Si on fait le total des lits en SP, nous obtenons : 10841. Même si entre 2005 et aujourd'hui ce chiffre avait doublé, on est loin du compte sachant qu'il y a entre 500 000 et 550 000 décès par an en France.


Nous avons conscience qu'immense est la tâche à réaliser et qu'elle représente, pour notre société, un véritable défi.


CONCLUSION


J'ai tenté de tracer les grandes lignes de ce qui apparaît comme la voie du respect de la personne humaine parvenue au terme de sa vie et des exigences qu'elle comporte.


Monseigneur Germain et Gérard Calmelet

Mais, paradoxalement, dans une société où la peine de mort a été abolie, de tous côtés et avec une insistance grandissante, nous entendons des demandes de légiférer sur l'euthanasie. Au-delà de toute considération religieuse, chrétienne en particulier, je pense qu'une loi sur l'euthanasie serait une régression.


Personnellement, j'ai assisté à des demandes de malades entrant dans l'unité. Ces personnes avaient supporté des mois ou des années de souffrance dans des hôpitaux où souvent leur dignité avait été mise à mal. Nous respections et comprenions ces demandes d'euthanasie mais la compétence des médecins en matière de lutte contre la douleur faisait en sorte que ces demandes n'étaient plus réitérées. Je n'ai, de plus, été témoin qu'à une seule tentative de suicide : c'était un jeune architecte de 35 ans qui est informé de la visite de ses parents : ceux-ci apprennent le même jour qu'il a le sida, qu'il est homosexuel et qu'il va mourir. Inutile de vous dire la difficulté de cet accompagnement !


Dès leur origine, les soins palliatifs se sont clairement démarqués de l'euthanasie. En ce sens, cette question n'est donc pas un enjeu puisqu'elle est résolue par un principe fondateur, comme nous l'avons vu lors de la lecture de la Charte.


Les soins palliatifs restent donc, à mon avis, une des solutions pour éviter de légiférer.


Voilà, j'espère vous avoir éclairé. Je pense qu'il faut en parler autour de vous et dédiaboliser tout ce qui entoure les soins palliatifs.
En ce qui me concerne, je peux vous dire que revenir sur ces souvenirs et rédiger le texte de cette conférence n'a pas été facile. Parmi ceux-ci, un cas précis m'est revenu brutalement ; un jour un malade, qui devait mourir deux jours plus tard, me demande : "Vous qui avez l'habitude (!!), pouvez-vous me dire ce qu'il y a après ? "J'ai tout de suite senti que cette personne (un homme d'environ 35 ans), très calme, avait fait le deuil de sa vie. Mais derrière cette question, pointait la grande interrogation angoissante que nous avons tous. La mort reste un grand mystère qui doit nous rendre particulièrement humble.