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L’Église au troisième millénaire

Cours de Père Bernard Jakobiak


Père Bernard Jakobiak


L’Église au troisième millénaire (extrait)



En ce début du 21e siècle où le monde scientifique et technique s'estime « postmoderne » et sous-entend que l'homme est entré dans une ère « post-chrétienne », il est sans doute temps et possible d'envisager le futur de l’Église car elle est moins encombrée par le poids ténébreux de son importance politique. De plus elle sait d'expérience l'inanité de toute croyance en une fin du monde imminente : voilà plus de deux mille ans qu'une minorité d'impatients mise sur un retour prévisible du Christ en gloire alors qu'Il a prévenu : « Nul ne connaît le jour ni l'heure » (Mt 24,36). Le temps continue à être donné à l'homme et il mesure que la patience de Dieu renvoie toutes les impatiences à leur prétention. Aussi n'est-il pas prudent d'envisager l’Église au troisième millénaire plutôt qu'au seul 21 e siècle ?

 

Au sujet du cheminement de la création vers la fin des temps, la tradition de l’Église incite à lire le symbole de Nicée, comme une prophétie. Les trois périodes de l'histoire de l’homme renouvelé en Jésus-Christ et par l'Esprit-Saint « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la Terre », « Je crois en Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur » et « Je crois en l'Esprit-Saint, Seigneur qui donne la vie » sont achevées.

 

Le retour de l'homme en la foi en Dieu Créateur après la chute, a duré des millénaires. Ce cheminement a permis l'ouverture de l'esprit de l'homme au divin puis à Dieu Un jusqu'à l'écoute de son appel par « le peuple élu ». En lui, l'homme est allé jusqu'au désir et à l'attente du Messie.

 

La seconde étape « Je crois en Jésus-Christ » a duré mille ans. Il a fallu dix siècles à l'homme pour parvenir à contempler sans le restreindre, le mystère du Verbe de Dieu fait homme. L’Église catholique romaine s'est comme arrêtée de stupeur vers l'an mille. à partir du mystère des deux natures en Jésus-Christ, elle a bâti une organisation et une efficacité dans l'esprit de l'apôtre Pierre lors de la Transfiguration quand il parlait de construire une tente pour Moïse, une pour Élie et une pour Jésus-Christ. à partir de sa fascination, cette Église de Rome s'est installée dans un souci de puissance à l'image du monde et elle a ignoré la troisième étape : la contemplation de la Personne de l'Esprit-Saint.

 

« Je crois en l'Esprit-Saint ». L'approche du mystère de la Personne de l'Esprit-Saint a été le travail du deuxième millénaire pour les Églises dites d'Orient. Elles ont abouti à l'expérience et à l'expression du mystère de l'Esprit-Saint « qui est partout présent » au discernement entre la nature inaccessible, incompréhensible, ineffable de Dieu et « les énergies incréées » qui se donnent et qui déifient l'homme.. Elles ouvrent ainsi au mystère de l’Église une dans la diversité des personnes créées transcendantes.

 

L’Église catholique romaine et à leur suite les Églises protestantes n'ont pas encore saisi la nécessité de ce mûrissement de l'esprit créé. Il a été entamé entre autres, par Syméon le Nouveau Théologien au 10e siècle à Constantinople. Cette expérience de Dieu en ses énergies incréées a été affirmée et exprimée avec toute la force et la précision possibles au langage humain, par Grégoire Palamas au 15 e siècle (cf. « Défense des saints hésychastes »). Depuis la pérennité de « la prière du cœur » ouvre l'esprit de l'homme à la lumière incréée. C'est bien un millénaire de désir et d'exigence qui va ouvrir l'homme, individu ou nation, à la personne unique et irremplaçable qu'il est appelé à devenir.

 

Ce travail fait par l'homme est aussi en cours. Ce n'est jamais fini. Vouloir en avoir fini est un suicide spirituel. C'est là cette tiédeur que Dieu vomit comme préviennent les Écritures.

 

La suite du symbole de Nicée, « Je crois en l’Église une, sainte, catholique et apostolique » n'est pas une récapitulation, encore moins un point final. Ce «Je crois en l’Église... » peut être entendu comme une prophétie non encore entamée, la prophétie pour le troisième millénaire. Elle est à compléter par la phrase finale de l’Évangile selon saint Matthieu (28. 19) : « Allez donc enseigner toutes les nations et baptisez-les au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »